Aujourd’hui, nous vous proposons de visiter un atelier de céramique, caché au cœur de la médina de Tunis !
De nombreuses formes (assiettes, plats à tajine (pourtant typiquement marocains…), bougeoirs, cendriers, présentoirs pour apéritif) mais également de nombreuses couleurs égaient ces stands.
Malheureusement, la plupart de ces boutiques vendent des produits très similaires, fabriqués à la main, mais de façon industrielle. Les couleurs sont vives et attirent l’œil, mais ces produits ne sont pas utilisés dans les foyers tunisiens.
Pourtant, il existe encore quelques boutiques authentiques et quelques artisans continuent à faire vivre la céramique tunisienne (Philippe nous présentera un jour cet art qui date du début du XXème siècle). Au hasard des rues, en cherchant, en posant des questions, on arrive à dénicher ces rares coins typiques.
Ainsi, je vous propose de découvrir la fabrication de ces céramiques artisanales. Direction la médina de Tunis !
Accès
La boutique (et l’atelier de céramique) se trouvent donc dans la médina de Tunis : il faut bien entendu venir à pied.
- Si vous arrivez par l’avenue Bourguiba, passez la Porte de France et montez en direction de la mosquée Zitouna, par la ruelle très touristique. Prenez la 3ème ruelle à droite (rue Sidi Saber), vous êtes arrivés !
- En venant de la Kasbah, c’est un peu plus long. Rendez-vous donc sur l’esplanade de la mosquée Zitouna (n’hésitez pas à demander). Depuis l’esplanade, prenez la ruelle qui descend sous les arcades (en longeant un très bon restaurant occupant la moitié de l’espace 🙂 ). Passez une première ruelle, puis prenez à gauche à la seconde ruelle. Vous êtes arrivés !
Retrouvez cet itinéraire sur ce plan GoogleMap. Vous pouvez également réaliser cette visite en complément d’un parcours de découverte que nous vous proposons sur le site : Partie Ouest, Partie Centrale et Partie Nord de la médina de Tunis.
La boutique
Vous êtes donc devant “Tunis Céram“, l’une des rares boutiques qui produit ses propres céramiques. Le patron est souriant, il laisse le temps aux visiteurs. Le temps de chercher, de choisir, de poser des questions, et ça, c’est cool 🙂
Ici c’est une caverne, un fourre-tout, où chaque espace possède son petit objet étonnant. Un parfumier, une carafe magique qui ne se vide pas. Ou encore des bols, des assiettes, des corbeilles à fruits… La boutique réalise également des carreaux, participe à la rénovation des palais de la médina en rééditant des motifs anciens (“patte de lion” par exemple).
Observez bien, vous n’en trouverez pas deux identiques. En effet, chaque pièce est unique dans sa décoration : motifs carrés, hexagonaux, octogonaux… C’est la marque d’un travail d’artisan, presque d’artiste. Demandez au patron, peut-être qu’il vous emmènera vers l’atelier de fabrication des céramiques qui ne se trouve pas très loin…
L’atelier de céramique
Les lieux
Le patron nous mène dans un vieux palais de la médina, à une minute de la boutique. Ce palais n’est ni rénové, ni transformé en restaurant à la mode. Ici, c’est rustique, comme si rien n’avait bougé depuis des décennies. Pourtant, on sent qu’il y a de l’activité derrière les murs de la bâtisse. On pénètre à peine dans le patio, le patron tourne à droite et pousse une porte.
Face à nous, l’atelier. D’abord un petit couloir encombré, puis la pièce principale tout aussi encombrée d’outils, de céramiques en séchage, de pièces cassées. Deux ouvriers s’activent (c’est une journée calme, il peut y avoir jusqu’à 4 personnes dans cet espace restreint). Posez-leur des questions, ils répondront (dans un français un peu approximatif, ce qui permet de réfléchir pour bien comprendre le fonctionnement de l’atelier 🙂 ).
Finalement, on comprend rapidement que chaque espace est optimisé, créant un circuit dans le processus de fabrication des céramiques.
Les matières premières
L’atelier utilise des pièces en terre cuite. Elles proviennent de Nabeul, capitale tunisienne de la céramique. Il s’agit de pièces façonnées à la main, ayant la forme définitive voulue. Elles sont précuites et transférées à l’atelier de Tunis, où les pièces seront alors décorées et cuites définitivement. De nombreux objets existent : assiettes (plus ou moins grandes), bols (plus ou moins creux), tasses, services, ustensiles, carafes, amphores, carreaux… Inutile de faire l’inventaire, on va y passer la nuit !
Les terres-cuites s’entassent dans un coin, quelques-unes sont cassées. Elles sont brunes voire rosâtres et extrêmement fragiles, étant donné que la cuisson n’a été que partielle. Pour en savoir plus, je compte bien enquêter un jour du côté de Nabeul…
La peinture de la décoration
La première phase consiste à peindre la pièce de terre cuite. Pour celà, l’ouvrier utilise toute une série d’oxydes (oxydes de fer, de cobalt, de cuivre, de chrome…). Chacun de ces oxydes, présent sous forme de poudre, donnera une couleur spécifique après cuisson. L’ouvrier dilue l’oxyde dans un récipient puis l’pplique au pinceau sur la terre cuite.
En fonction de l’effet recherché, l’ordre d’application est différent. L’artisan peut commencer par le fond uni, avec une couleur spécifique. Puis il applique une couche noire, au pinceau fin, le décor est alors mis en valeur. L’ouvrier peut également faire le contraire : commencer par le décor noir, puis finir en rajoutant plusieurs couleurs (cette fois, ce sont les couleurs qui sont mises en avant).
Résultat, chaque pièce est différente, soit par la géométrie du décor, soit par ses couleurs. Dans les exemples ci-dessous, l’artisan a commencé par le décor en noir, puis a appliqué les couleurs. La couleur de fond sera donc la couleur naturelle du matériau. Remarquez bien l’originalité de chaque pièce !
L’émail
Après une phase de séchage de la décoration (quelques heures), l’ouvrier applique une couche d’émail sur les pièces. Cette étape est celle qui va donner l’aspect brillant, vitreux, à la céramique (en savoir plus sur l’émail).
Il s’agit en fait à nouveau d’un mélange d’oxydes (principalement des oxydes de silice et d’alumine). En mélangeant les oxydes à de l’eau dans une bassine, l’ouvrier obtient un liquide blanc. Les pièces sont alors plongées dans ce bain, recouvrant l’ensemble des faces de manière homogène.
Durant une nouvelle phase de séchage (quelques heures), l’eau est absorbée par la terre-cuite et une couche blanche d’oxydes se crée en surface.
La signature
Etape importante ! Elle permet à l’atelier de céramique d’identifier et faire reconnaître son travail. Une céramique avec signature est la preuve qu’elle provient d’un atelier d’artisan, et non d’un travail à la chaîne. Généralement, on trouve cette signature sous la céramique.
Pour apposer la signature, on reprend les deux précédentes étapes : après un coup d’éponge pour enlever l’émail gênant, l’artisan signe sa pièce au pinceau. Puis il peut éventuellement remettre une couche d’émail, suivant l’effet souhaité.
La cuisson
Il reste une dernière étape : la cuisson. Elle permet de fixer l’émail et de finaliser la cuisson de la terre-cuite.
L’artisan entrepose les pièces sur des supports également en céramique. Le but est de mettre le maximum de pièces dans le four, sans qu’elles ne se touchent. Différents types de supports permettent donc d’optimiser l’enfournement.
Il s’agit ici d’un four électrique, à résistances (on les voit dans la porte dans la photo ci-dessous). Il est composé de briques réfractaires, afin de garder au maximum la chaleur. Attention, ça chauffe ! Près de 1000°, pendant 6-7h, sont nécessaires à la cuisson des céramiques. Il faut ensuite plusieurs heures pour refroidir le four.
Le but de la cuisson est double. Tout d’abord, elle va permettre de terminer la cuisson de la terre-cuite, la rendant dur, imperméable et résistante à la chaleur. La cuisson permet également de fixer les couleurs et de “faire fondre” l’émail. La couche blanche va en effet se vitrifier, créant une couche d’environ 1 millimètre de verre autour de la céramique. Cette couche sera donc brillante, protégera des rayures, sera facile à nettoyer …
A faire dans le secteur
- Repasser par la boutique Tunis Céram pour revoir les céramiques finalisées 🙂
- Continuer à se balader dans la médina. Trois parcours sont disponibles sur le site : Partie Ouest, partie Centrale, partie Nord de la médina
- Enfin, bien entendu, prendre un verre dans un café et acheter quelques makroudhs
Bonne visite !
Cherche collaboration
Des détails Monia ?
Bonsoir;
Merci pour cet article pertinant. je suis doctorante de l’université Skikda Algérie; je travaille dans ma thématique sur la céramique tunisiènne moderne fabriquée par les Chemla; Je serai trés reconnaissante si vous pouvez m’aider par des informations concernant les ateliers et les boutiques de céramique traditionnelle qui se trouvent en Tunis à fin d’enrichir mon travail et finaliser ma thèse et est ce que c’est possible de visiter ces ateliers comme vous l’avez fait; moi je serai en Tunis trés prochainement dans le cadre d’un stage scientifique. Merci d’avance pour votre lecture et votre éventuelle coopération. Cordialement Slila Meriem
Bonjour,
Oui, il est tout à faire possible de visiter les ateliers 😉
N’hésitez pas à vous rendre dans la boutique que je décris dans cet article et à demander.
Il y a également sans doute des ateliers du côté de Nabeul.
Voici éventuellement une autre visite, c’est une boutique dans Sidi Bou Saïd (voir dans l’article dédié à Sidi Bou), où il existe une belle collection de céramiques Chemla.
Bonne chance !
Merci Julien. 😊
Bonjour Julien, j’ai visiter l’atelier dans la Médina de Tunis et nous en avons pris plein les yeux ! C’était génial. Merci pour ce bon plan. Je serai à Nabeul dans 2 jours… donc si vous avez un bon plan dans le coin je prends !
Merci pour votre site. J’adore.
Bonjour Clémence,
Merci pour ton retour !
Nabeul, c’est un peu loin de ma zone de prédilection. Mais il y a beaucoup à faire. Un tour dans la médina, en dehors de la rue principale, à la recherche d’atelier de vanniers. Il y a le site archéologique en bord de mer.
Sinon, je te conseille de passer faire une visite au petit musée de l’harissa vers Maamoura. Je ne sais pas si il est encore ouvert, tu peux appeler Imed (55 642 612 / Facebook). Un passionné !
Julien
Bonjour Julien,
Bravo pour cet article très riche.
Nous avons visité l’atelier il y a quelques jours, 3 peintres étaient en activité. L’un d’eux réalisait une commande : une fresque d’animaux sur carreaux avec pour dimension finale 1m x 3m!
Une visite à Nabeul permet de bien comprendre comment sont fabriquées les poteries. Les procédés utilisés pour produire rapidement des pièces semblables sont vraiment ingénieux.
Bonjour Steve
Merci pour ce retour. Je n’ai pas eu la chance de visiter d’atelier de fabrication des poteries, il faut que je me programme ça.
Où es-tu aller Nabeul pour cette visite?
Julien
Bonjour comment faire pour commander merci
Bonjour Michèle,
Nous ne vendons pas, nous faisons découvrir la boutique 😉
Je viens de te faire un mail détaillé.
Julien
Bonjour,
Merci pour ce super article. Je me rends à Tunis très prochainement et je me demandais si c’était possible de visiter l’atelier de Tunis Céram comme vous l’avez fait.
M.
Bonjour Mounira,
Oui, ça doit être possible de visiter l’atelier. Rend-toi à la boutique, et demande gentiment au patron 😉
Bonsoir, je travail pour un magazine des aéroports tunisiens, c’est un magazine nouvellement crée, il ambitionne d’être la vitrine de la Tunisie. L’un des thèmes sous la rubrique tourisme est une escapade qui a pour objectif de faire découvrir les différents endroits en Tunisie. Je vous écris ce message pour vous demander si vous pouvez m’aider pour animer cette rubrique. Merci d’avance pour votre lecture et votre éventuelle coopération. Cordialement Majda Rafrafi
Bonsoir Majda,
Je viens de te répondre par mail 😉
A bientôt