Tout le monde a déjà regardé, sur National Geographic ou sur Arte, un reportage animalier sur la savane africaine. Dans ces documentaires, les lions tentent d’attraper un gnou ; les girafes et les zèbres gambadent tranquillement au milieu des acacias. Et bien savez-vous qu’on retrouve, en Tunisie, une zone où le climat est très similaire à cette savane africaine, au Parc National de Bouhedma?
Certes, il n’y a pas de lions, de gnous, de girafes et de zèbres en Tunisie. Enfin, il n’y en a plus : les derniers lions ont été exterminés au début des années 1900.
Allez, on enfile une bonne paire de chaussures, on n’oublie pas les jumelles et on part à la découverte de cet écosystème atypique !
Le Parc National de Bouhedma
Le Parc de Bouhedma se trouve à cheval entre les gouvernorats de Sidi Bouzid et Gafsa, sur une superficie de 16 000 hectares. Il est centré autour du Djebel Bouhedma, une belle montagne s’élevant à 814 m d’altitude. Les terrains alentour sont des steppes relativement planes et sèches ; ils offrent un paysage assez typique. Ici, il ne pleut que 150 à 300 mm de pluie chaque année (contre 450 mm en moyenne à Tunis). Une végétation typique et adaptée à ces conditions s’est ainsi développée, permettant d’accueillir une faune sauvage bien spécifique.
Mais avec la sédentarisation des nomades, les espaces forestiers naturels ont été petit à petit grignotés par l’agriculture et le pâturage, laissant craindre la perte de ces espaces uniques. C’est ainsi que l’État a pris la décision de créer ce Parc National en 1980. Pour compléter cette protection, la Tunisie a inscrit le Parc National de Bouhedma sur la liste indicative de l’UNESCO depuis 2008.
La savane africaine
La végétation
Tout d’abord, ce qui distingue cette région et permet de la comparer à la savane, c’est la présence de l’acacia (talh en arabe). Ce n’est pas le même type d’acacia qu’en savane subsaharienne, mais une autre espèce appelée Acacia tortilis. Cet arbre est particulièrement bien adapté au climat sec et rocailleux : ses racines peuvent aller jusqu’à 60 m de profondeur pour récupérer l’eau. Par ailleurs, en cas de sécheresse prolongée, il va perdre ses feuilles afin d’économiser ses réserves. Enfin, il développe une large ombre, ce qui permet à d’autres espèces plus fragiles de se protéger du soleil. Autrefois, l’acacia était répandu dans une zone beaucoup plus large dans les steppes tunisiennes.
Outre l’acacia, on retrouve donc une variété végétale importante à Bouhedma. Ces plantes sont bien adaptées et typiques du climat montagneux semi-désertique, comme l’alfa bien sûr, le pistachier lentisque, le romarin, le câprier, le Genévrier de Phénicie, le laurier-rose, l’armoise (et plein d’autres, un listing plus précis se trouve sur la page de l’UNESCO). On trouve également beaucoup d’eucalyptus, qui n’est pas un arbre d’origine tunisienne. Il a été importé d’Australie et a trouvé en Tunisie un climat très favorable. A Bouhedma, on peut trouver le plus grand Eucalyptus de Tunisie, il aurait 140 ans environ !
Les animaux
En complément de cette diversité végétale, le Parc Bouhedma offre une grande diversité animale. Ainsi, on trouve dans le parc près de 278 espèces différentes d’animaux, représentant 60% des espèces dénombrées en Tunisie. Quand on vous dit que le Parc de Bouhedma peut être comparé à la savane africaine, c’est pas pour rien 🙂
Parmi ces animaux, nous trouvons plusieurs espèces d’antilopes et gazelles : l’Addax et ses majestueuses cornes torsadées, l’Oryx Algazelle et ses cornes élancées, la Gazelle de Mohrr et ses petites cornes torsadées, la frêle gazelle Dorcas ou encore l’emblématique Mouflon à manchettes. Les scientifiques considèrent ces espèces comme éteintes ou en voie d’extinction à l’état sauvage. Elles ont fait l’objet de programmes de réintroduction dans le Parc de Bouhedma dans les années 1990, avec un certain succès.
De nombreuses autres espèces cohabitent à Bouhedma, comme le Goundi, un gros rongeur que l’on retrouve dans de nombreux massifs montagneux tunisiens. On observe bien entendu de nombreux prédateurs, notamment le Renard rouge, le Lynx caracal, la Genette, le Chacal, la Hyène rayée… Côté reptile, il y a de quoi se faire peur également, avec la vipère à cornes et le cobra notamment ; mais aussi des tortues (on en trouve beaucoup en Tunisie), des caméléons, des scorpions…
Evolution du parc de Bouhedma
Malheureusement, ces équilibres sont fragiles. Entre le dérèglement climatique et la pression anthropique liée à la pauvreté rurale, la préservation de l’espace naturel est difficile. D’autant plus que depuis la révolution, le nombre de gardiens a diminué tout comme l’entretien des clôtures. Ainsi le braconnage s’est de nouveau développé. Ce manque de puissance de l’administration a entraîné la perte de la gazelle de Mohrr en 2020 (article Nawaat).
Cette disparition n’est pas la première (et ne sera sans doute pas la dernière…). D’autres espèces se sont éteintes dans cette région, on peut évoquer rapidement le lion et la panthère, disparus de Tunisie à la fin du 19 ème siècle ou au début du 20 ème siècle. Certaines recherches évoquent l’hypothèse que la région a fourni les éléphants que Hannibal a utilisés dans ses guerres contre Rome !
Pour en savoir plus sur la savane africaine du Parc de Bouhedma
Voici quelques liens à visiter :
- Inscription du Parc de Bouhedma sur la liste indicative de l’UNESCO
- La page Wikipédia consacré au Parc
- La page Facebook de la Bouhedma National Park Conservation Community, œuvrant à la préservation du Parc et à la recherche scientifique
- Quelques photos des gazelles et antilopes en Tunisie sur le site de mon ami Zaher Kammoun
Cette page a été réalisée en partenariat avec la page Facebook Yjichi.Lbelek, animée par mes deux amis Amine Zorgati et Ahmed Charfi.
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